Le problème principal posé par les couleurs consiste à accorder ce qu'il nous semble savoir sur les couleurs avec ce que la science et en particulier la physique nous dit des objets physiques et de leurs propriétés. Il semble à première vue difficile de trouver des propriétés des objets physiques qui satisfassent toutes les exigences définies par nos concepts ordinaires de couleurs.
1. Notre conception ordinaire des couleurs:
2. Théories dispositionnelles hybrides (Descartes, Locke, Newton, Hume, Helmholtz)
Il n'existe pas de propriétés physiques objectives des objets qui satisfassent toutes ces exigences. Le concept de couleur est ambigu. On doit opérer une distinction entre:
Théorie projectiviste (Hume): quand nous avons des expériences sensorielles, nous projetons la qualité sensorielle contenue dans notre expérience sur les objets physiques.
Objections:
Obj1: Incohérence de la notion de "couleur telle qu'elle est dans l'expérience"
Obj2: Position fondée sur une analyse erronée du concept ordinaire de couleur.
(Obj2'') Selon notre concept ordinaire, les couleurs sont des propriétés dispositionnelles dépendantes des observateurs, des pouvoirs d'apparaître d'une manière distinctive à des sujets normaux dans des conditions standard.
Il n'existe pas de propriétés physiques objectives des objets auxquelles on puisse identifier les couleurs. Toutefois le concept de couleur n'est pas ambigu. Notre notion ordinaire de couleur n'implique pas que les couleurs doivent être des propriétés intrinsèques, objectives et non-relationnelles des objets.
Dire qu'un objet à une couleur, c'est dire qu'il a une disposition à produire dans des conditions appropriées un élément déterminé de l'expérience visuelle, à savoir une apparence de couleur. L'expérience de couleur correspond donc à l'actualisation de cette disposition.
Selon cette approche la couleur est une propriété relationnelle qui a un pôle objectif et un pôle subjectif.
Objection: la théorie dispositionnelle est circulaire: la notion d'apparence de rouge et la notion de rouge sont définies l'une par rapport à l'autre.
4. Théorie de l'illusion
Il n'existe pas de propriétés physiques qui satisfassent l'ensemble des exigences de notre notion ordinaire de couleur. Les objets physiques n'ont donc pas les propriétés de couleur que nous leur attribuons.
Les couleurs que nous nous représentons qu'ont les objets sont illusoires: aucun objet physique n'a en réalité ces couleurs.
Les couleurs peuvent être considérées comme des propriétés virtuelles: des propriétés que les objets n'ont pas mais auraient pu avoir dans d'autres mondes possibles.
Objection et réponse
Question: s'il n'existe pas de propriétés qui satisfassent les exigences de notre concept de couleur, d'où vient que nous ayons néanmoins ce concept?
Nos concepts de couleurs fonctionnent et remplissent leur rôle en se basant sur les apparences de couleur. Pour cela il n'est pas nécessaire que les objets aient vraiment des couleurs, il est suffisant qu'ils paraissent les avoir et que ces apparences soient suffisamment systématiques.
Les concepts de couleurs ont deux fonctions principales:
- une fonction épistémologique: ce sont des signes naturels ou conventionnels utilisés pour indiquer la présence d'objets ou de propriétés qui nous intéressent.
- une fonction esthétique: art, décoration, vêtements, etc
Pour que ces fonctions soient remplies, il n'est pas nécessaire que les objets aient des couleurs, mais seulement qu'ils nous paraissent en avoir. Ce qui importe c'est que nous nous les représentions comme ayant des couleurs
5. Théories objectivistes
Les couleurs sont des propriétés physiques objectives des objets.
4 variétés d'objectivisme:
5.1. Les couleurs comme propriétés intrinsèques irréductibles.
Les couleurs sont des propriétés physiques intrinsèques
non-relationnelles qui satisfont les exigences de notre notion ordinaire
de couleur.
Ce sont des propriétés irréductibles qui surviennent
sur des propriétés physiques, comme les propriétés
de liquidité ou de solidité.
Survenance (supervenience): Soit deux ensembles A et B de propriétés, on dira que les propriétés de l'ensemble A surviennent sur les propriétés de l'ensemble B, ssi si deux objets ont les mêmes propriétés de l'ensemble B, alors ils ont les mêmes propriétés de l'ensemble A.
Objections:
- Problème de la spécification des critères de détermination de la couleur intrinsèque d'un objet. Tous les sujets ne sont pas d'accord dans leurs jugements sur les couleurs. Même parmi les sujets capables de discriminer toutes les couleurs, il existe des désaccords sur ce qui constitue du rouge pur, du vert pur, etc.
- Les explications en termes de microstructures sous-jacentes ne permettent
pas de rendre compte de certains aspects importants des couleurs et en
particuliers des relations internes complexes que les couleurs entretiennent
les unes avec les autres. Une telle explication suppose que l'on prenne
en considération la structure du système visuel.
5.2. Les couleurs comme microstructures physiques
Les couleurs sont des propriétés objectives intrinsèques des corps physiques, identifiables ou réductibles à des microstructures physiques.
Notre conception ordinaire des couleurs est en partie erronée, mais cela n'implique pas que les couleurs n'existent pas (// les atomes tels que les concevait Dalton n'existent pas mais cela ne veut pas dire que les atomes n'existent pas).
Objections:
- Les causes des apparences de couleurs varient énormément, selon que l'on considère des objets opaques, des objets translucides, des objets lumineux, etc.
- Même si nous nous en tenons aux couleurs des surfaces, des microstructures très diverses peuvent être causes des mêmes apparences de couleurs.
5.3 Les couleurs comme propriétés dispositionnelles objectives
Les couleurs sont des dispositions des objets à modifier les radiations lumineuses de certaines manières déterminées. (ex. capacité à absorber ou refléter différentiellement certaines proportions de lumière aux longueurs d'ondes du spectre visible).
Objections:
Les dispositions correspondant à la couleur varient selon le type d'objet (réflexion pour les surfaces, transmission pour les volumes, dispersion pour le ciel, etc.).
Problème des métamères: des surfaces qui ont des courbes de réflectances très différentes ont des apparences de couleurs identiques.
Problème des relations internes entre couleurs.
5.4. La théorie du retinex de Land: les couleurs sont identifiées à des triplets de réflectance correspondant à trois segments du spectre visible (ondes courtes, moyennes et longues) qui se recouvrent partiellement.
Objections:
La théorie rend compte du phénomène des métamères
et de certaines des relations internes entre couleurs, mais elle ne s'applique
qu'à la couleur des surfaces.
LA VISION DES COULEURS