MÉMOIRE ET IDENTITÉ PERSONNELLE

Élisabeth Pacherie

École Centrale
 
 

1. INTRODUCTION

Les philosophes ont depuis longtemps insisté sur l'existence de relations étroites entre les concepts de mémoire et d'identité personnelle. Mais si l'on admet généralement que les deux concepts sont liés, il existe d'importantes divergences quant à la manière correcte d'analyser leur interdépendance.

Quelques problèmes que pose la question générale de l'identité à travers le temps, la question de l'identité personnelle semble constituer un cas très particulier. Dans la mesure où toute personne a un corps, le problème de l'identité personnelle recoupe le problème de l'identité des objets matériels à travers le temps. Sous quelle condition pourra-t-on dire que tel système matériel (arbre, montagne, navire, Ö) pris au temps t est le même que le système matériel considéré à t+n? Toutefois, un certain nombre de considérations s'opposent à ce que le problème de l'identité personnelle soit réduit au problème de l'identité corporelle. Ces considérations sont plus ou moins fondées sur l'intuition que l'identité corporelle n'est pas une condition suffisante de l'identité personnelle et que peut-être elle n'en est pas même une condition nécessaire. Cette intuition s'exprime notamment au travers d'expériences de pensées qui, empruntant à la science-fiction, mettent en scène des transplantations du cerveau. Si quelque savant fou se proposait de procéder à une telle greffe, vous demandant de choisir à l'avance qui après la greffe serait mis à mort, l'individu constitué de votre cerveau greffé sur le corps d'un autre ou bien l'individu constitué de votre corps et du cerveau d'un autre, qui choisiriez-vous?

Il semble que l'intuition générale attache plus d'importance à l'identité psychologique qu'à l'identité corporelle et que comme nous considérons le cerveau comme le substrat matériel de cette identité psychologique, la plupart d'entre nous préfèrent préserver leur cerveau dans le corps d'un autre.

Le concept de personne fait donc intervenir, outre l'idée d'un corps, celle de processus psychologiques ó pensées, sensations, délibérations, émotions, désirs, croyances, etc.

Mais ces processus mentaux sont des états dits occurrents qui changent de moment en moment. Nos pensées, peceptions, émotions varient et évolent continuellement. Le problème de l'identité personnelle pourrait donc être reformulé de la manière suivante: quelles relations faut-il qu'il existe entre ces épisodes mentaux qui se produisent à différents moments pour que l'on puisse dire qu'ils appartiennent à la même personne?

L'objectif de ce cours est de présenter certaines des réponses philosophiques qui ont été apportées à cette question et d'examiner dans quelle mesure certaines données issues des travaux de sciences cognitives sur la mémoire et la nature de notre accès à notre vie mentale sont susceptible d'apporter des éclairages nouveaux.
 
 

2. MÉMOIRE ET IDENTITÉ PERSONNELLE: ANALYSES PHILOSOPHIQUES
 
 

I John LOCKE

  1. Une expérience ou un épisode mental présent appartiennent à une personne A pour autant que A est en principe capable d'en avoir une conscience réflexive.
  2. A est la même personne que B ssi A peut se souvenir d'avoir une expérience de B

II REFORMULATION POUR RÉPONDRE AU PROBLÈME DE L'OUBLI (QUINTON, GRICE)

A et B, deux états temporaires totaux (ETT) appartiennent à la même personne ssi il existe une séquence d'ETTs (pas néces-sairement dans l'ordre de leur apparition temporelle et sans que des répétitions soient exclues), telle que A est le premier ETT de la séquence et B le dernier et chaque ETT de la séquence ou bien :

  1. contient un souvenir d'une expérience contenue dans l'état suivant ; ou bien :
  2. contient une expérience dont l'état suivant contient un souvenir.

III REFORMULATION POUR RÉPONDRE AU PROBLÈME DE LA CIRCULARITÉ (PERRY)

A se souvient de e ssi :

A a une représentation d'une occurrence passée d'un événement de type E ;

(1) B a été témoin de e (A et B : corps humainS vivants)

(2) Il existe un lien adéquat entre le fait que B ait été témoin de e et le fait que A ait la représentation décrité en (1) : les deux faits sont M-liés (càd, le fait que A ait cette représentation n'est pas expliqué au moyen d'une autre source d'information au sujet de e que (2).
 
 

3. PSYCHOLOGIE DE LA MÉMOIRE
 
 

TOUT ACTE MNÉSIQUE COMPORTE TROIS ÉTAPES :

TROIS TYPES DE MÉMOIRES (selon caractéristiques temporelles)

Acquisition et stockage : - association et organisation

 


 

4. TROUBLES DE LA MÉMOIRE
 
 

AMNÉSIE ANTÉROGRADE - CAPACITÉS PRÉSERVÉES :

DISTINCTIONS ENTRE TYPES DE MÉMOIRES À LONG-TERME :

o      mémoire procédurale (anoétique)

o      mémoire sémantique (conscience noétique)

o      mémoire autonoétique (conscience auto-noétique)

5. THÉORIES DE L'ATTRIBUTION

(Nisbett & Wilson, 1977)

THÈSE 1 : nous n'avons que peu ou pas d'accès introspectif à nos processus (à la différence de nos contenus) mentaux supérieurs.

DONNÉES EMPIRIQUES :
 

 

Stimulus

Réponse

·  Lien Stimulus/réponse
 

Non-conscient

Conscient

Non-conscient

Conscient

Conscient

Non-conscient

Conscient

Non-conscient

Non-conscient


THÈSE 2 : Lorsque nous donnons des raisons, justifications et motivations pour nos attitudes et actions, nous faisons largement appel à des théories causales a priori ou à des jugements sur la plausibilité que tel stimulus ait affecté notre réponse.

ORIGINES DES THÉORIES CAUSALES :

6. THÉORIES DE L'ATTRIBUTION ET MÉMOIRE

(Kelly & Jacoby, 1993 ; Ross, 1989)

L'information utilisée pour construire les expériences mnésiques est souvant non pas introspective mais tirée de théories causales a priori.

Autrement dit, l'expérience subjective du souvenir est influencée par des théories causales implicites sur la mémoire.

Les individus interprètent certains aspects de leur expérience présente soit comme reflétant une expérience passée soit comme dûe à des conditions présentes en fonction de certaines caractéristiques.

Indices utilisés pour inférer qu'une expérience est de type mnésique :

APPLICATIONS À LA MÉMOIRE AUTOBIOGRAPHIQUE
 
 

Nous avons des théories implicites sur la cohérence de nos attributs (sentiments, comportements, opinions, traits de caractère, aptitudes) et un certain nombre de principes sur les conditions susceptibles de stabiliser ou de modifier ces attributs. Nous utilisons ces théories pour construire notre histoire personnelle et elles introduisent des distorsions dans le rappel.