LA PHILOSOPHIE DE L'ESPRIT
Élisabeth PACHERIE
Institut Jean-Nicod, CNRS, Paris

1. L’essor parallèle de la philosophie de l ’esprit et des sciences cognitives

1.1. Philosophie de l ’esprit: un statut longtemps ambigu

1.2. La fin d ’un interdit

2. La naturalisation de l ’esprit

2.1 L ’intentionnalité

2.2 La conscience

3. Interactions entre sciences cognitives et philosophie de l'esprit:

Le cas de l'action


Qu’est-ce que la philosophie de l ’esprit?

  1. La branche de la philosophie qui a pour objet l’étude conceptuelle de la nature de l ’esprit et des phénomènes mentaux.
  2. Quels sont les critères du mental ?
  3. Comment caractériser les différentes catégories mentales (perception, mémoire, croyance, imagination, etc.) et leurs relations
  4. Quels sont les rapports du physique et du mental ?


Philosophie de l ’esprit:
un statut longtemps ambigu (I)


Philosophie de l ’esprit:
un statut longtemps ambigu (II)


Philosophie de l ’esprit:
un statut longtemps ambigu (III)


La fin d ’un interdit (I)


La fin d ’un interdit (II)


La thèse de l ’identité psycho-cérébrale


Le fonctionnalisme (I)


Le fonctionnalisme (II)


Les défis de la naturalisation


La naturalisation de l'intentionnalité I


La naturalisation de l'intentionnalité II


La naturalisation de l'intentionnalité III


La naturalisation de l'intentionnalité IV


La naturalisation de l'intentionnalité V


Le problème de la conscience I


Le problème de la conscience:
quelques distinctions utiles


Le problème de la conscience:
quelques distinctions utiles


Le problème de la conscience:
conscience phénoménale et matérialisme


L'argument du fossé explicatif


Réactions à l'argument du fossé explicatif

(a) Les qualia sont des propriétés subjectives, non-physiques. (Jackson)

(b) Les qualia constituent un type particulier de propriétés physiques dont la caractéristique est d'être irréductiblement subjectives. (Searle)

(c) Nous ne possédons pas pour l'instant les concepts nécessaires pour combler le fossé, mais peut-être les posséderons-nous un jour. Pour le moment, nous n'avons aucune idée de comment il serait possible que les qualia soient des propriétés physiques. (Nagel)

(d) Le fossé pourrait en principe être comblé mais pas par nous, car nous ne sommes pas capables en principe de former les concepts qui seraient nécessaires à une telle explication (mystérianisme) (McGinn)

(e) Le fossé n'est pas un fossé ontologique mais un fossé épistémologique: Nous pensons les mêmes phénomènes au moyen de deux types de concepts très différents: les concepts phénoménaux et les concepts physiques. Ce sont les concepts qui sont irréductibles les uns aux autres, pas les phénomènes. (Tye, Lycan)


L'argument de la connaissance (Jackson)


Qualia et fonctionnalisme


L'argument du spectre inversé


Réactions possibles à l'argument du spectre inversé


Démystifier la conscience phénoménale:
la stratégie métareprésentationnelle


Objections à la stratégie métareprésentationnelle

Une théorie métareprésentationnelle opère une distinction entre un état mental et une représentation d'ordre supérieur de cet état qui permet qu'il soit conscient. Elle doit donc admettre que les états mentaux expérientiels qui ne sont pas accompagnés de métareprésentations sont inconscients. Or l'idée de sensations, perceptions ou douleurs inconscientes paraît contre-intuitive.

(a) Du point de vue de l'expérience ordinaire, l'existence de sensations inconscientes n'est pas si dénuée de plausibilité.

(b) L'idée de sensations ou douleurs inconscientes n'est incohérente que si l'on suppose que ces états ont purement qualitatifs (qu'il n'y a rien d'autre dans une douleur ou une sensation que l'effet que cela fait). Si on admet qu'elles ont aussi des propriétés représen-tationnelles ou un rôle fonctionnel, l'idée n'est plus incohérente.


Objections à la stratégie métareprésentationnelle


Premières conclusions


Les interactions entre philosophie de l'esprit et sciences cognitives (I)


Les interactions entre philosophie de l'esprit et sciences cognitives (II)


Le cas de l'action : les théories causales


Le cas de l'action :
nature et format des intentions en action

(1) À la différence d'une intention préalable, une intention en action ne spécifie pas simplement un type d'action, mais une action particulière dans un contexte donné. Quel est son format? Quelles sont les informations sensorielles et motrices mobilisées dans cette représentation? Comment sont-elles codées? Quelle est la nature des inférences pré-conceptuelles qui commandent la sélection et la séquentialisation de mouvements appropriés? Quelles propriétés doit avoir une représentation exécutive pour pouvoir guider et contrôler l'exécution?

Les travaux menés en neurosciences de l'action permettent de mieux cerner le rôle des différentes composantes de la représentation de l'action (kinesthésiques, proprioceptives, visuo-spatiales, visuo-pragmatiques) et de clarifier les différences entre les formats représentationnels propres à l'action et ceux associés à d'autres activités cognitives.


Le cas de l'action : l'articulation
des niveaux de représentation de l'action

(2) Comment les représentations conceptuelles des intentions préalables et les représentations non-conceptuelles des intentions en action s'articulent-elles ? Dans quelle mesure la possession d'un concept d'action suppose-t-elle son ancrage dans un niveau de représentation motrice, non-conceptuelle?

Les travaux sur l'imagerie motrice nous fournissent-ils une piste? Est-ce elle qui permet la redescription de l'information motrice sous forme de schémas d'action susceptible d'opérer une médiation avec les représentations conceptuelles de l'action?

Les intentions en action sont des représentations immergées, liées à un point de vue et une orientation donnés et correspondant à un mode d'engagement dans le monde. A l'inverse, les intentions préalables peuvent représenter l'action et ses motivations de manière détachée, réflexive et indépendante de la situation immédiate du sujet. Cette distinction fait écho à la distinction entre représenta-tions indexicales et non-indexicales dans le langage et la pensée. Quels liens établir entre les formes que prend l'indexicalité dans l'action, le langage, la perception, ou la mémoire?


Le cas de l'action :
la phénoménologie de l'action

(3) L'action intentionnelle comporte une phénoménologie propre, manifestée par la saillance de la cible de l'action, par une sensation d'effort, par une conscience corporelle spécifique. Toutefois, la fréquence des actions automatiques ou routinières dans la vie quotidienne suggère que nous n'avons pas toujours un accès conscient au contenu de nos représentations motrices et qu'une expérience consciente précise de l'action en cours n'est pas un corrélat indispensable de l'action. Il semble donc que nous devions distinguer au moins deux formes d'expérience de l'action: la conscience même simplement périphérique que nous sommes en train d'agir et la conscience que nous avons de l'action exacte que nous sommes en train d'accomplir.

- Peut-on mettre en relation cette distinction phénoménologique avec les distinctions fonctionnelles opérées dans les neurosciences de l'action entre niveaux de guidage et de contrôle de l'action?

- Quel est la contribution de la phénoménologie à l'auto-attribution d'actions? Quel éclairage l'étude des pathologies mentales caractérisées par des troubles de l'agentivité peut-il apporter?


Le cas de l'action : la dimension intersubjective

(4) La dimension intersubjective est centrale dans l'action collective qui suppose une coordination des intentions, plans et représentations des acteurs. Le philosophe travaillant sur l'action collective doit analyser les différentes formes d'actions collectives (actions conjointes, coopératives, compétitives) et déterminer quelles capacités cognitives sont présupposées dans chacune de ces formes d'action: capacités de planification, capacité à appréhender autrui comme agent doté d'intentions, capacité à appréhender différentes perspectives sur l'action prévue ou en cours, rôle des émotions.

Les analyses des philosophes peuvent ici bénéficier des éclairages de la psychologie sociale, de l'éthologie animale (les animaux sociaux), des théories de la rationalité développées en économie cognitive. Elles peuvent aussi tirer parti des travaux des psychologues du développement sur le rôle que jouent certaines formes d'actions coordonnées dans le développement des capacités de mentalisation (rôle de l'imitation, de l'attention conjointe, du 'turn-taking', etc. ).